Le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique avait été annoncé dans l’urgence à la toute fin du mois de décembre, et fut examiné à l’Assemblée nationale dès la première semaine de janvier. Voté par les députés dans la nuit du 5 au 6 janvier 2022, il fut ensuite examiné au Sénat du 10 au 13 janvier.
A l’occasion de ces travaux, les rapporteurs sénatoriaux, Philippe Bas pour la commission des lois, et Chantal Deseyne pour la commission des affaires sociales, proposèrent un ensemble d’amendements destinés à mieux encadrer un texte rédigé dans la hâte et qui posait à la sortie de l’Assemblée nationale des questions sur le plan des droits et libertés, tout en souffrant par endroits d’une rédaction parfois confuse.
Les principaux axes du texte voté en première lecture par le Sénat se plaçaient dans la lignée des positions sénatoriales sur les lois sanitaires précédentes : mieux encadrer les pouvoirs accordés à l’exécutif, veiller à ce que ces mesures ne portent pas une atteinte disproportionnée aux libertés publiques, et les consolider juridiquement.
La nouvelle lecture les 14 et 15 janvier 2022 a permis d’entériner l’idée du passe vaccinal, fondé sur le constat d’une plus grande vulnérabilité des personnes non-vaccinées aux formes graves.
Cependant, le texte résultant des travaux en nouvelle lecture de l’Assemblée nationale demeurait insatisfaisant, et comportait encore des dispositions qui furent clairement écartées par le vote du Sénat. Ces deux principaux sujets de désaccord de fond sont :
• Le refus du Sénat de charger les personnes et services vérifiant le passe vaccinal d’une tâche de vérification d’identité du porteur. Cette position, marquée en première lecture par un vote de séance très majoritairement défavorable à la mesure, fut par conséquent réaffirmée en nouvelle lecture.
• L’opposition sénatoriale au maintien du dispositif d’amende administrative en cas de manquements aux mesures de protection des salariés face au virus covid-19. Ici aussi, le Sénat et sa commission des affaires sociales furent défavorables à ce dispositif, privilégiant le maintien d’une logique incitative plutôt que punitive pour favoriser le télétravail.
b) Le texte définitif
En dépit de ces points qui ont empêché le vote favorable de la Haute assemblée en nouvelle lecture, le texte voté définitivement par les députés conserve plusieurs apports sénatoriaux significatifs :
• L’âge minimal d’application du passe vaccinal a été effectivement réhaussé par rapport au texte initial de l’Assemblée nationale, et fixé à seize ans. Seul le passe sanitaire sera donc exigé pour les 12-15 ans.
• Un dispositif de « passe temporaire » permettra aux personnes entamant leur parcours vaccinal de bénéficier du passe vaccinal dans les conditions du passe sanitaire pour la durée nécessaire à l’achèvement de leur schéma vaccinal.
• L’amorce d’une territorialisation des mesures sanitaires, en permettant au Premier ministre d’habiliter le représentant de l’Etat à adapter l’application des mesures sanitaires « lors les circonstances locales le justifient ». Ce dispositif sera tout particulièrement précieux en outre-mer, où la situation vaccinale diffère parfois significativement de la métropole.
• L’assurance qu’une disposition introduite par les députés, autorisant les organisateurs de réunions politiques à exiger la présentation d’un « passe », se limite bien au seul passe sanitaire, et non vaccinal.
• Un meilleur encadrement de l’extension de l’utilisation des données des systèmes d’information destinés à la lutte contre l’épidémie. Jugeant les finalités d’utilisation de ces données trop peu contrôlées, le Sénat avait supprimé le dispositif initial, avant de voter en nouvelle lecture une version présentant de meilleures garanties, inspirée par les discussions de la CMP.
• L’écriture « en clair » dans la loi de mesures concernant les assemblées générales de copropriété, dispositions auparavant renvoyées à une ordonnance.
Le texte final diverge cependant du texte du Sénat sur certains aspects.
Ainsi, la majorité des députés a refusé de conserver dans la loi une disposition prévoyant l’extinction des passes sanitaire et vaccinal lorsque la situation de l’épidémie s’améliorera. Par conséquent, le Sénat pourrait se doter d’outils internes de contrôle de l’application qui serait faite des nouvelles mesures sanitaires. Cet exercice de sa fonction de contrôle et d’évaluation parlementaire pourrait se faire en confiant à la commission des affaires sociales les pouvoirs d’une commission d’enquête.
Le texte conserve également le dispositif permettant aux personnes chargées des contrôles au sein des lieux et services soumis au « passe » de demander la présentation d’un document officiel d’identité avec photographie s’il existe des raisons sérieuses de penser que le « passe » n’est pas celui de son porteur. Il ne permet toutefois pas la conservation des informations tirées de ces vérifications.
De même, le texte définitif comporte aussi l’article relatif aux sanctions administratives en cas de non-respect, par un employeur, de ses obligations en matière de protection des salariés face à l’épidémie. Malgré l’opposition du Sénat, il fut rétabli intégralement, avec un montant maximal de l’amende toutefois diminué de 1.000 € à 500 €.
Enfin, il comprend également un dispositif de « repentir », permettant à des personnes ayant commis certaines infractions liées au « passe » de bénéficier de l’extinction de l’action publique dès lors qu’elles entament un schéma vaccinal.